Nom : Fabien Bellat
Lieu de résidence : Paris (75)
Activité : doctorant en Histoire de l'Art à l'Université Paris X

Courriel : bellatores@erbefole.net


Activités au sein du collectif :
initiateur de nombreux travaux en commun, notamment des écrits à plusieurs mains ; organisateur de plusieurs réunions de groupe ; coordinateur de nombreuses activités du groupe

Choix d'oeuvres :

Présentation personnelle :

Or je n'ai pas à parler ; seules certaines de mes oeuvres attendent le jour.

              Fabien Bellat
              Moscou, 23 Juin 2004

               

 

Fabien écrit...


à Paris


à Canteleu


en Jordanie


à Villers-sur-Mer


à New-York


à New-York


au Varat


 à Hardelot

 
à Rome


à Colleville-sur-Mer

 
à Amsterdam


à Sables-d'Or-les-Pins
 

 

 

 

 

 

 

Note Moscovite

 

             En vérité… le spectacle de la propagande m’amuse beaucoup.

Moscou et les ruines de l’Empire Soviétique (malgré ma connaissance des tragédies idéologiques/humaines) plutôt qu’une nostalgie pathétique m’inspire un rire immense.

Aucune agitprop ne peut me dominer ; sur moi glisse l’orgueil des slogans. Par contre l’emphase délirante genre Empire Romain version soviétique suscite un sourire mêlé de fascination.

         Ce phénomène, je le désigne sous le nom d’art propagande—un art usant de la propagande en double sens, miroir propagande derrière lequel l’initié reconnaît une esthétique cryptée. Cette emphase dorénavant semble anachronique. Or elle vit, et continue de propager une présence.

Parce que je la sens, je ris. Jamais je ne cède aux diktats : les transformer ou même les composer ex nihilo me permet de créer mon art propagande personnel, réponse artistique à la pensée asservie du monde présent.

          Le geste d’écriture affirme déjà une propagande intime — celle de l’auteur, ses personnages, certaine vision des choses — indissociable de la création.

 

                                                                                      Fabien BELLAT.

                                                                                  Moscou, 4 juillet 2003.

 

 

 

Ecrire Balnéaire

     Les obsessions puis hantises s'imposent.
Mes écrits vivent d'images frappantes, de ces visions vous assaillant lorsqu'on prend ses quartiers dans un lieu hors du commun.
Palerme, même si je n'y ai rien rédigé, nourrit une certaine forme de mon imaginaire ; toute l'Italie ressurgit dans mes récits par l'ombre de l'Histoire, par l'inspiration et recomposition de grandes figures.
Ces gestes pourraient inquiéter : l'endroit écrase-t-il l'oeuvre ? Ce que je vois c'est que l'imagination s'empare d'une atmosphère pour mieux la reformuler - l'éternelle opération démiurgique.
Les cathédrales, palais, fortifications, souvent me servent afin de montrer l'homme finalement réduit à néant par son impressionante, vivante création. Les monuments retournent toujours la domination du créateur contre celui-là même s'en prétendant le maître.
Rome a croulé sous ses colonnes...
Aujourd'hui ceci ne me tourmente point. Un vide m'angoisse. Un esprit, immanent mais tangible, m'impressionne.
Je veux parler du fantôme de villes balnéaires.
Certaines de ces stations ont poussé l'orgueil jusqu'à se proclamer rêve d'une vie. Les fondateurs ont vu le songe se muer en cauchemar lorsque l'Histoire a rattrapé leur utopie plaisancière.

      J'étudie l'architecte* d'une de ces villes contre-nature. Et les vestiges douloureux de son orgueil m'ont plongé dans le malaise, un malaise nommé Hardelot.
Les rues pittoresques, les villas pesamment et savamment pittoresques, le tracé d'une ville admirablement pittoresque luttant contre les dunes omniprésentes... puis la Première Guerre Mondiale qui interrompt l'enthousiasme. Guerre arrivant tel un mausolée, ensuite l'ultime bétonisation d'un XXème siècle dévoyé dans la minéralité anonyme...
Le résultat : une abomination pour laquelle l'homme ne saurait être qu'ombre de lui-même, une silhouette osant à peine raser les murs ou les sables. De peur d'y voir se reflèter son intolérable vacuité.
Ces villes sont bien faites pour les ténèbres d'une écriture désabusée.
Des tragédies insignifiantes doivent s'y nouer sans cesse.
Derrière les jeux de la plage, les pendus dans un cagibi balnéaire.
Un autre de ces urbanismes ex-novo, en Bretagne
**, m'a tourné vers l'exorcisme des images cinématographiques***, tant l'impression d'inachèvement, de rêve fracassé y est étrange.
Pourtant je réalise combien ces ectoplasmes urbains s'affirment nombreux parmi mon univers. Les pins, la comédie paysagère ne parviennent plus à dissimuler l'imposture. Ce sont de telles apparences dont s'inspire quelque fois l'art.
Si l'existence humaine peut être soumise au doute, alors véritablement ses apparences de rêves martyrisant le sable et les eaux sous la tentative de hiérarchisation urbaine... se dévoilent encore plus sujets à la dramaturgie humaine.
Des sentiments tiennent à peu de choses.
Des idéaux tournent vite à la corruption prosaïque.
Les villes balnéaires - plus soumises que toutes les autres à l'éphémère puisque destinées au plaisir épisodique - deviennent un résumé burlesque.
Des parodies d'existence. Le décor fantasque de l'homme conjurant l'environnement hostile pour mieux le soumettre à sa tentation d'universalité. Ces façades fantaisistes n'abritent qu'une tyrannie, celle de l'existence gratuite contre toutes les formes signifiantes.
Voici pourquoi écrire balnéaire s'avère pour moi chercher le paradigme de la comédie humaine.
Sans doute d'autre quintessences sont à prendre en considération : l'église, le bidonville, la tour... Mais écrire balnéaire ne cachera jamais qu'une fertilité devenue parodique tant elle a tenu à se pérénniser dans le despotisme urbain.
Qui peut sincèrement sentir cette horreur ?
Alors que le soleil éclairait cette ville tournée à la caricature d'elle-même, j'ai voulu fuir cette indicible tristesse. Certaines mélancolies ne se détruisent pas. Je préfère l'écrire.
Ainsi peut-être parlera un peu la vision d'une hantise de toits monstreusement perchés dans les dentelures de dunes mouvantes.

Fabien BELLAT.
Hardelot, 9 décembre 2001.

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* Louis-Marie Cordonnier (1854-1940), auteur du palais de la Paix de La Haye, de l'Opéra de Lille, de la Basilique de Lisieux.
** Sables-d'Or-les-Pins, près du Cap Fréhel
*** Finalement, le scénario s'est transformé en nouvelle (Obsession Balnéaire B.)

 

 

Ecrire les châteaux

 

Ecriture devant le château d’Harcourt (Eure, Normandie)
Fabien à Harcourt

     Paraît-il, notre époque ne construit plus de châteaux.
Quelle erreur incroyable. Certes on n’élève plus de châteaux forts, matériellement parlant.
Mais ils apparaissent visibles.
Quelquefois notre temps se trouve amené à les reconstruire. Cela est l’œuvre des Monuments Historiques, du patrimoine.
Il existe une autre œuvre.
Cette œuvre parle des châteaux.
Plus exactement, elle parle château.
Cette création s’exprime dans un langage castelliforme, elle tend à reprendre les tours, les mâchicoulis, les enceintes fortifiées, les douves, pour dire l’importance épique.
    Que notre époque veuille le réalisme, cela la regarde.
Pourtant il peut se trouver une expression plus élevée, atteignant au monumental.
Ceci, c’est écrire les châteaux.
Non plus les châteaux des hobereaux, non plus les semblants de castels, des capitalistes aux mille ouvriers exploités, mais les châteaux de ceux qui peuvent rêver, de ceux tendant vers un ailleurs qui se pourrait révéler esthétique.
Des châteaux en Espagne…
Toutefois, ce deviendrait une expression autre.
Ecrire château équivaut à affirmer l’indépendance d’un Verbe, refusant l’ordinaire, appelant la différence fertile, voulant une beauté exaltante.
Que cet écrire-château se traduise en roman, film, poésie, qu’importe.
L’écrire-château connaît un atemporel de l’intervention artistique.
Ce ne doit pas être du nouveau médiéval. La nostalgie ne possède aucune place dans l’écriture-château. La reconstruction se révèle non plus féodale, mais créative.
    En somme cette écriture tend à l’exigence d’une extériorisation de soi pour pérégriner vers l’inattendu, l’étrange – sinon les touristes ne visiteraient pas ces demeures devenues incompréhensibles.
    Evidemment un château n’a plus rien à voir avec notre époque. Un château ne peut que figurer un anachronisme.
Un anachronisme peut susciter un effort de compréhension, de dépassement. C’est pourquoi ce flamboyant objet non identifié permet une création. Car il attend la recomposition. La réinvestigation pleine de sève. L’imaginaire existe… Il s’agit de lui inventer son art.
    Avant de l’exprimer, cet imaginaire, il faudra l’investir. Le siège pourrait s’avérer long. Ce deviendrait une croisade créative.
Lorsque les clefs seront tenues, alors l’œuvre de reconstruction pourra commencer.

Fabien BELLAT
Harcourt, 22 juin 2002.