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Nom
: Stéphanie Bourdy Courriel : mj.bourdy@club-internet.fr
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Choix d'oeuvres :
Présentation
personnelle : |
De cette morne ville
Me revient à l'esprit
Telle une lueur dans la nuit
L'image de l'amour en exil.
Que j'aime voir miroiter
Sur le tapis de mes souvenirs
Au son du Surbahar d'Adir
Tes yeux aux larmes de paix.
Et graver sur le carreau
Comme sur ma chair nue
L'heure de ta prochaine venue
Au souffle triste de mes os.
Abattu par trop d'attente
Le regard chavire dans les profondeurs
Accroché au sourire ivoirin du bonheur
Qui m'implore d'être patiente.
Stéphanie Bourdy, Sarlat, 24 juin 2003.
Bordeaux, mon refuge.
Comme de visages, la ville de Bordeaux jouit de noms divers. Elle s'est construite
dans leur multiplicité. De Burdigala, Bourdeu, Bourdeaux, Bordeaulx au
nom actuel, tous portent les marques des métamorphoses du passé.
Son âme, elle, fut préservée en une métempsycose.
Elle est celle de son fleuve, son port d'origine gallo-romaine. Autant d'appellations
qui renferment une histoire de 2000 ans, à écouter, à observer
dans les murmures des mascarons, les tressaillements des pierres. Elles soufflent
l'air d'anciens vestiges à l'accent romain de la Burdigala d'Ausonne,
aux venelles pavées et sombres d'époque médiévale.
Là se joue la pièce de mon Bordeaux. Celle où mon esprit
grandit, que j'aime et à ma vie manque ! Au gré d'une ballade
à travers rues et quartiers il revient, à mes oreilles, le bruit
du métal rougi, frappé sur l'enclume des ferronniers. Les échos
des voix du peuple grouillant d'artisans résonnent encore sur les murs
refroidis
d'anciennes échoppes, que mon oil d'un coup, embrasse pour remonter l'histoire
des rues du " vieux Bordeaux ". Des Bahutiers à la Fusterie,
du Chai des farines aux Argentiers, sans oublier la Rousselle toujours laborieuse.
Et le marteau cogne, le bois craque et travaille derrière les portes
cochères d'où s'échappent en une fièvre travailleuse,
fumées et poussières noires. Chatouillant mes narines, ce temps
y dépose son odeur lointaine. En un ballet, la foule d'artisans continue
sa danse aux abords du
fleuve. Ils sourient à la porte Cailhau, à Aliénor d'Aquitaine,
qui tournée vers le fleuve, assure sa pieuse et royale défense.
Dans ce tohu-bohu, silhouettes et membres agités dessinent de larges
ombres qui s'étirent en arc en ciel sur les berges encombrées.
Les passants endimanchés et curieux en tout genre observent le spectacle
d'ouvriers à la gouaille " bordeluche ". Ils déchargent
de leurs mains aguerries, vivres et marchandises, sur des quais boueux parsemés
de pinasses effilées pour un corps à corps avec
l'estuaire. D'une manouvre habile, toute la richesse marchande prend l'étroit
chemin d'échoppes aux fenêtres à meneaux, ouvertes sur le
négoce, en des convois branlants. Avec hissée, au mât de
leur charreton en bons hommes de " Bourdeu ", la reconnaissance du
port
nourricier.
Stéphanie Bourdy, Bordeaux, 18 mai 2003.
La voix de l'Inde.
I/
Comme il est difficile de parler du pays qui brûle mes semelles
de vent !
Autant de visions intériorisées qui peuplent ma route vers cet
ailleurs et réduisent mes ailes à néant. Leurs racines
sont
profondes. Impossible de les hisser jusqu'au ciel des dieux.
Même leur appel demeure stérile. Ô combien je suis las des
terres
grises, fumantes !
Et pourtant nul exil pointe à l'horizon. Que faire diantre pour
rompre mes liens pesants avec ce monde funeste et puant, libérer
mon corps de ses chaînes mercantiles ?
Je ne veux plus posséder, acheter et jeter. Les produits sont
pour les autres, peu pour moi. Je ne suis pas comme les autres.
Je viens d'ailleurs. Ils ne connaissent pas ma terre. Là vrai,
celle de mon âme. Les couleurs qui l'habitent, la voix de son
peuple, le visage de ses frères. Rien ne perce derrière ce voile
granulé qui illusionne les passants. D'où viens-je ? Qui suis-je
?
Vous voulez des confidences, je sens. Mais attention, les mots
cachent des réalités cruelles.
Ils portent le vide de nos existences, l'odeur de l'ennui et
l'ailleurs inconnu, mythifié.
II/
Des images s'inventent et creusent en mon esprit d'illusoires
vérités. Pour vous, seulement pour vous, l'unique. Votre sang
dans mes veines coule. Il bat de sa passion contagieuse dans mon
cour. Je suis vous et moi. Je vais vous parler de cette étrange
terre que j'ai faite mienne. Là où j'ai planté mon drapeau
imaginaire. Je me suis enfuie de ce monde pour l'autre. Ma tête
danse au son d'une voix inconnue, mes pieds trébuchent sur le sol
crevassé cherchant le lieu d'où l'appel a été lancé.
Des paroles
me guident, la langue m'est étrangère, je cherche, j'halète,
vais-je arriver à la trouver ? Nul dialecte connu, qu'une musique
étrange sonne de bizarreries dans mon cerveau ébouriffé.
Alors me
voici en contact avec l'ailleurs que je peuple de mes démons
intérieurs et de passion artificielle. L'aimer, y aller pour
connaître l'autre. L'unique qui se moque de cette fantaisie. Rien
de passager vous dis-je ! Une attirance pour la vie, une
déchirure du cour qui toussote d'émotions à trop penser
à la
voix. Elle continue à me guider. Je la suis. Elle ressemble à
une
incantation, un mantra. Récités pour ses dieux, sa félicité
et sa
délivrance. Om mani padme om. Elle est là-bas, en Inde.
III/
Me voilà, comme la voix, je tourne et je ne m'arrête plus pour
m'attirer les grâces de son dieu. Ma robe est un feu d'artifice,
elle brille, écarlate. Jamais sur moi ont dansé autant de
couleurs. Je ne me reconnais pas. Je suis l'autre, l'étrangère
costumée à la peau brûlée, les yeux criblés
de larmes suspendues.
La poussière nidifie et maquille ma peau, nouvelle. Je suis une
autre personne. La voix est devenue mienne. Je parle son langage,
son accent et pleure ses larmes mystiques.
Je suis née une deuxième fois là-bas pour racheter les
fautes de
mon ancienne terre qui est morte. Un recueil dans ma besace
d'errante stipule mes nouveaux devoirs, mon karma, tout neuf : "
Tu dois préserver ton peuple adoptif des péchés de l'ancien,
l'éloigner des dangers qui t'ont fait mourir puis renaître dans
cette nouvelle condition. Tu es le seul témoin d'une fin
dramatique, apporte ton expérience aux visages de terre.
Garde-les de ne jamais suivre tes pas reliés à d'anciennes
racines destructrices. "
IV/
J'avais rêvé d'aller parmi eux. Me voilà gardienne de leur
bonheur, de leur terre. Non, plutôt dénonciatrice du malheur, de
l'horreur humaine, la mienne. Dieu préservez-moi. Je vais sous ce
ciel écrasant vers de nouvelles étoiles : elles ont le parlé
rond, enrobé des imposants Indiens du sud ; l'oil fin et étiré
sur de saillantes pommettes dorées qui sentent le métissage racé,
sanglant, des habitants du Nord. Fusion des chairs gourmandes et
du langage des dieux. Pureté mystique et syncrétisme. L'Inde est
ma vierge Marie, elle enfante, mais jamais n'est souillée. Nulle
autre ne se préserve comme elle. Mère d'innombrables peuples,
rites et langues. Et la nation indienne, unie, en toile de fond
au métissage, au chaos ordonné. Comme un dieu à plusieurs
têtes
sur un socle unique, représentant les différents états
du cosmos,
l'Inde résiste et engloutit dans ce corps géant la diversité
régnante. Siva est à l'image de la nation qui l'adore, dieu
destructeur et créateur aux bras multiples, aux trois têtes. À
la
fois un et plusieurs.
V/
Ma nouvelle voix guide mes pas vers les chemins enneigés de
l'Himalaya, la plaine du Gange, les côtes baignées du Kerala, la
chaleur suffocante du sud, dans le Tamilnadu, pays des noirs
Tamouls, des dieux indiens à la face dansante, brûlée par
le sel
marin.
Dravidiens, primitifs de l'Inde vous m'avez donné votre voix.
Elle s'étouffe là, en bord de mer, à Mahâbalipuram,
au milieu de
monuments d'allure prestigieuse, d'inventivité débordante. Je
m'adonne au bavardage mental avec vos dieux, leur explique quelle
a été ma vie, mon rêve auprès d'eux, maintenant leur
servante. Le
temple du rivage, irrésistible, avec son sourire fardé,
m'accueille. Je me recueille. Je suis de là, de partout, de nulle
part. Je dois guider les Hommes en cette terre éternelle,
respecter le dharma. Alors, je suis mon chemin solitaire et
décide d'abandonner la voix. Plus de voix, de paroles, seulement
des actes.
L'acte de la foi. Au moindre faux-pas, punissez-moi de recouvrer
la voix ! L'ancienne, celle aux accents sanglants, aux
intonations meurtrières d'une terre morte aux sons de ses
mensonges. L'autre coule dans mon sang en fleuve d'amour,
secrète.
Stéphanie Bourdy, Paris, 16 juillet 2003.
Pensées indiennes.
Inde multicolore, mère de rêves anciens
Tu distilles ton parfum ambré sur ma peau d'Aryen,
Sombre humain à la couleur triste et l'oil morne
Je convoite tes délices sucrés avec morgue.
Tes dieux fous et insensés me visitent en amis
Aux côtés d'Orphée et Calliope attendris
Par les offrandes de tes mystiques créatures
Aussitôt disparues sur leur galopante monture.
Çiva, Visnu, Brahman hantent mes murs solitaires
Humble et bon, Civa guérit mes démons éphémères
Krishna jette ses pétales sur le voile de ma vie
Et Brahman m'inspire mélopées et mélancolie.
Le généreux Garuda me transporte loin de l'ennui
Dans un monde sonore où n'existe pas la nuit
Éclairée par les reflets célestes et colorés
Des larges saris, fantômes de terrasses délaissées.
Et l'esprit libre divague près des rives sacrées
Du Gange qui murmure sa mélodie mystérieuse
À un ascète méditant, venu purifier son karman.
Sur cette autre terre, je me perds avec l'envie religieuse
D'y rester. Tanjore, Madurai, Kanchipuram, Mahabalipuram
S'emparent de mon âme pour y planter leur majestueux gopuram !
Stéphanie Bourdy, Paris, 28.02.2003.
Aujourd'hui tinte l'heure des retrouvailles.
Que ma liberté s'accomplisse vaille que vaille !
Sans remord, ni honte. D'eux, je viens vous enlever
Au son d'estivale mélopée, o chère aînée.
Aucune souffrance passée n'est oubliée,
Comme deux jumelles au lit séparé
Qui buvaient au téton amer d'une étrangère
Seules, résignées, devant l'avanie de leurs congénères.
Et la passion dit : libérons l'amour en nous,
Nos poignets ligotés par les fous,
Ô Entendez, oreille des morts, notre cri d'espoir.
J'escalade, les monts de la colère écarlate,
Dans mes yeux vivent vos yeux et la mer plate,
Sur laquelle, la danse du soleil, unit nos deux corps.
Stéphanie Bourdy, Paris, 10 juillet 2003.
Dans les tréfonds de mon être
Vit au cour d'amers poisons
Une déchirure qui ride, au souvenir lointain,
Le visage d'amour.
Dans les tréfonds de mon cour
Bât une cathédrale de rêves
Aux flèches de douleur, qui percent
Comme le ciel dévot, ma chair nue.
À l'humeur triste, elle se drape le jour,
D'un voile sanglant.
Stéphanie Bourdy, Paris, le 21. 07. 03.
L'amour toujours là au faîte de l'été
Qui dicte sa loi d'insoumis au jour,
À la nuit. Et fait danser les heures étoilées
Au rythme d'enivrants tambours.
En une farandole d'images,
Il mène sa ronde au-dessus du bateau
Qui tangue sur l'océan de passage
Comme l'hymne à l'aimée sur les flots.
Aérien, éphémère, il va et vient
À la recherche d'un port d'attache ou rien.
Je le capture pour dessiner un brin de rêve
Sur la feuille, qui boit à sa coupe, sans trêve.
Peu après l'ivresse surgit le fantôme du doute
Et ses acolytes pleurant de joie et de haine
Devant le film d'amour cérébral en route
Qui suspend mon temps au mat de misaine.